André-Jacob Roubo

L'art du menuisier



Le menuisier en bâtiment - Première partie

 

Le menuisier en bâtiment - Seconde partie

 

Le menuisier des jardins

 

Le menuisier carossier

 

Le menuisier en meubles

 

Le menuisier ébéniste

 

 

Extrait de la Biographie Universelle Ancienne et Moderne, tome 36 par Michaud, 1854

Roubo (André-Jacob), menuisier, offre le phénomène, plus rare en France que dans le reste de l'Europe, d'un ouvrier distingué dans son état et qui n'a jamais songé à l'abandonner pour une profession supérieure. Né à Paris en 1739, il reçut de son père, maître menuisier, une éducation très-soignée. A l'étude des mathématiques , il joignit celle de la mécanique et du dessin et se rendit bientôt fort habile dans la théorie comme dans la pratique de la Portrait d'André-Jacob Rouboprofession qu'il devait exercer. Encouragé par les bontés du duc de Chaulnes (voy. ce nom), son protecteur, il osa présenter, en 1769, à l'Académie des sciences le traité qu'il avait rédigé de l'Art du menuisier. Les commissaires chargés de l'examiner en rendirent un compte avantageux, et sur leur rapport, l'Académie décida que le travail de Roubo ferait partie du Recueil des descriptions des arts et métiers. Cette première faveur fut suivie d'une seconde. L'Académie demanda pour Roubo la maîtrise, et, par une distinction spéciale, l'arrêt du conseil d'Etat qui la lui accorda le dispensa d'acquitter les droits d'usage, en considération de ses talents. La réputation dont jouissait Roubo ne pouvait manquer de lui mériter la préférence pour l'exécution des ouvrages les plus difficiles de son état. Ainsi c'est à lui qu'on dut successivement la belle coupole de la halle aux blés, le berceau qui servait de couverture à la halle aux draps, le grand escalier de l'hôtel de Marbeuf, etc. Nommé lieutenant de la garde nationale lors de sa création, il voulut, quoique souffrant, se rendre au champ de Mars avec sa compagnie, pour assister à la fête de la fédération (1790). Les fatigues qu'il éprouva dans cette journée aggravèrent son état, et il mourut le 10 janvier 1791. On a de Roubo : 1° l'Art du menuisier, 1769-1775, 4 vol. in-fol.; 2 ° Traité de la construction des théâtres et des machines théâtrales, 1777, in-fol. de 67 pages et 10 planches; 3° l'Art du layetier, 1782, in-fol. de 27 pages , avec 7 planches dessinées et gravées par l'auteur. Consultez : Notice biographique ; le Menuisier Roubo, contenue dans l'Industrie, le commerce et les arts, journal de l'office universel, Paris, février 1841, in-fol.

 

Extrait de l'Industrie, le commerce et les arts, journal de l'office universel, Paris, février 1841

Notice biographique

Le menuisier Roubo.

André-Jacob Roubo, mort le 10 janvier 1791, à l'âge de cinquante-deux ans, mérite d'être cité non-seulement comme un artiste du premier ordre dans sa profession, mais encore comme un encourageant exemple de ce que peut une volonté forte et persévérante.

Coupole de la Halle aux BlésNé sous l'humble toit d'une famille d'artisans, fils d'un compagnon menuisier sans intelligence et sans conduite, qui ne s'embarrassait guère des devoirs de la paternité, le jeune Roubo fut de bonne heure maître de ses actions, comme, le sont, pour leur malheur, beaucoup d'enfants de la classe ouvrière à Paris. Mais, comme le dit un proverbe souvent cité, le bel oiseau se fait de lui-même ; Roubo se mit en mesure de le prouver. Jaloux de s'élever au-dessus des menuisiers ordinaires, qui ne se servent que machinalement de la scie et du rabot, il comprit qu'avant tout il devait acquérir une instruction qui lui manquait. Dès lors, plus de camarades, plus d'amusements ; il se séquestra, pour ainsi dire, afin de se livrer
à l'étude sans distraction. Les quelques sous qu'on lui donnait pour sa nourriture, il les employait souvent à acheter des livres et des modèles de dessin. Pourvu qu'il lui fût permis d'étudier, les privations les plus pénibles lui semblaient pleines d'un charme qui le dédommageait amplement.

On rapporte que, lorsqu'il commença à travailler comme compagnon menuisier, il était encore si pauvre, que, pendant les longues nuits d'hiver, pour étudier quelques heures plus tard dans la soirée ou quelques heures plus tôt le matin, forcé qu'il était de récourir au mode d'é clairage le plus économique, il était réduit souvent à ne faire usage que des restes de suif ou de graisse que l'on avait jetés, et qu'il s'empressait de recueillir.

L'application, le zèle et l'intelligence de Roubo fixèrent l'attention du professeur Blondel, neveu du célèbre architecte de ce nom ; il devint le guide et le protecteur du jeune compagnon, lui donna gratuitement des leçons pendant cinq ans, et l'encouragea dans ses travaux.

Quelques années plus tard, l'élève avait si heureusement mis à profit les leçons du maître, que non-seulement il possédait les arts du dessinateur et du graveur, mais encore il composait un excellent Traité de l'Art du Menuisier. Enfin, quand on voulut couronner la Halle au Blé de sa belle coupole, un seul homme dans tout Paris fut jugé capable d'exécuter ce hardi projet ; cet homme était le menuisier Roubo. Le problème était difficile à résoudre ; il fallait trouver une toiture qui ne fût point trop pesante pour les anciennes fondations et pour les constructions existantes ; Roubo triompha de toutes les difficultés. Il avait étudié la méthode de construction employée au château de la Muette par l'architecte de Henri II, le célèbre Philibert Delorme. Cette méthode consiste à substituer aux grosses pièces de charpente des planches de sapin posées de champ pour former des combles de toutes les dimensions. Roubo l'adopta, et, au bout de cinq mois de travaux habilement dirigés et activement surveillés, il avait achevé une superbe coupole, dont le diamètre ne différait de celui du Panthéon de Rome que de quatre mètres environ. L'inauguration de cet admirable monument eut lieu le 31 janvier 1783, aux applaudissements de tous les spectateurs, et Roubo fut ramené chez lui, porté en triomphe par les forts de la Halle.

Roubo, dont le désintéressement égalait le mérite, renonça aux bénéfices auxquels il aurait pu prétendre comme entrepreneur, et ne voulut recevoir qu'une somme fixe pour la conduite des travaux.

Un jour, le serrurier Raguin , qui avait exécuté la lanterne en fer de la coupole, louait Roubo de l'admirable perfection de son travail. « Tais-toi, lui dit l'illustre menuisier ; si j'eusse été serrurier, j'aurais voulu faire toute la coupole en fer. »

Roubo semblait, en disant ces paroles, pressentir ce qui devait arriver plus tard. Sa belle coupole en bois ayant été détruite par un incendie en 1802, elle fut rétablie, en 1811, par Brunet, sur les mêmes dimensions qu'elle avait auparavant ; mais, au lieu de bois, il n'employa que le fer et le cuivre.

C'est ainsi que les lumières s'étendent, que les perfectionnements se succèdent. La coupole de la Halle-au-Blé est un des bons exemples du progrès dans l'industrie.

 

Extrait des registres de l'Académie Royale des Sciences

Du 17 Décembre 1768

L'Académie m'ayant chargé d'examiner l'Art du Menuisier, fait par le sieur Roubo fils, Compagnon Menuisier, je vais exposer la marche que l'Auteur a suivie dans la description de ce bel Art ; mais auparavant je dois rappeller à la Compagnie que M. Jeaurat avoit entrepris de décrire ce même Art, et que le sieur Roubo étant venu le présenter à l'Académie, M. Jeaurat a eu la générosité de renoncer au travail qu'il avoit commencé, jugeant convenable de l'abandonner à un homme du métier, capable de le bien exécuter.

Le sieur Roubo a compris dans son travail tous les ouvrages en bois qui servent à la sureté, à la commodité et à la décoration des Maisons et des Appartements ; ainsi il s'est engagé à traiter de la Menuiserie d'assemblage, et de celle de rapport connue sous le nom de Marqueterie et d'Ebénisterie.

La Menuiserie d'assemblage, appliquée aux Bâtiments, se divise en deux parties, à savoir ; la Dormante, qui comprend les Lambris, Chambranles, Cloisons, Parquets et tous autres ouvrages qui restent en place ; et la Mobile, qui regarde les fermetures, telles que les Portes, Croisées, Contrevents, et celle-ci fait l'unique objet de la partie de cet Art dont nous avons à entretenir l'Académie.

Le Menuisier doit débiter, dresser, corroyer, assembler, orner de moulures, et polir les Bois avec lesquels il fait ses ouvrages ; ce qui le distingue du Charpentier qui ne travaille point le bois avec autant de précision et de propreté. Comme le sieur Roubo emploie pour son Trait et même pour tracer les Moulures, des opérations de Géométrie pratique, il commence par donner des Eléments de cette Science, se bornant à ce qui est nécessaire pour l'intelligence des méthodes qu'il propose ; et ce petit Traité forme le premier Chapitre.

Il entame dans le second Chapitre la pratique de son Art, en faisant connoître quels sont les Bois propres à la Menuiserie, exposant leurs différentes qualités, et les circonstances où il convient d'employer les uns plutôt que les autres. Il dit comment on doit es empiler par échantillon, ayant soin de séparer les Battants des Portes-cochères, d'avec les Membrures et les Planchers, distinguant tous ces bois selon leurs différentes longueurs, largeurs et épaisseurs. Il parle enfuite du débit des Bois, objet très-important à l'économie, et qui est surtout essentiel quand on entreprend de grands ouvrages, où il y a des parties cintrées ou bombées.

Il s'agit dans le troisieme Chapitre des Moulures et des Profils ; il fait connoître ceux qui sont en usage dans la Menuiserie ; les circonstances où il convient d'employer les uns plutôt que les autres, et la façon de les tracer, ou en suivant la pratique des Ouvriers, ou par des opérations de Géométrie-pratique, au moyen desquelles on les rend plus régulières.

Les Assemblages dont il traite dans le quatrième Chapitre, contribuent non-seulement à la beauté des ouvrages, mais encore à leur solidité ; aussi c'est une partie très intéressante de cet Art. L'Auteur parle d'abord de leurs usages et de leurs proportions ; il explique la façon de faire les Assemblages à tenons et mortaises, ceux à enfourchements, comment on doit ménager les Onglets dans différentes circonstances, les Assemblages que l'on nomme à bois de fil, ceux de fausse coupe quand les champs sont inégaux ; ceux à clefs, à queues d'aronde apparentes ou perdues. J'étendrois trop cet Extrait, si j'entreprenois de suivre l'Auteur dans toutes les sortes d'Assemblages dont il parle. Ce Chapitre est terminé par les Assemblages en flûte, ceux à mi bois, et ceux que l'on nomme à Trait de Jupiter. Après avoir donné très clairement la façon de traiter ces différentes sortes d'Assemblages, avec les attentions nécessaires pour ne point interrompre l'ordre des Moulures, l'Auteur indique les circonstances où il convient d'employer les unes plutôt que les autres.

Les Menuisiers font usage de beaucoup de différentes sortes d'Outils, que l'on trouvera décrits dans le cinquième Chapitre qui est fort étendu. L'Auteur y donne leurs différentes formes, et surtout les usages auxquels chaque outil doit servir.

Le sieur Roubo traite spécialement dans le 6e Chapitre de la Menuiserie mobile, et d'abord des Croisées ; et après en avoir parlé en général, il fait remarquer que les ouvrages de Menuiserie que l'on met dans les Bayes pratiquées dans les murailles se nomment Croisées, ainsi que les Bayes elles-mêmes, et que les Croisées de Menuiserie prennent des noms particuliers, suivant leurs différentes formes et usages. Par rapport à leurs formes on les nomme Croisées en éventail, quand elles sont dans des bayes cintrées ; elles sont ou plein ceintre, ou bombées, ou surbaissées, a imposte, ou sans imposte. De plus il y a des Croisées d'Entresol, à la Mansarde, à coulisse double ou simple, à l'Angloise et à la Françoise : si elles sont garnies de volets, on les nomme Pleines, et celles qui sont cintrées sur le plan, se nomment Cintrées en plan, soit qu'elles soient creuses ou bombées.

Eu égard à leur ouverture, les unes se nomment à côté double ou simple, à gueule de loup, à champfrain double ou simple, à noix et à feuillure, etc.

Par rapport à leur assemblage, les unes sont à pointe de diamant ; d'autres à grandes ou à petites plinthes, ou à rond entre deux cavées ; en trefle, à cœur, à petit cadre, etc.

La plupart des Croisées sont à simple parement ; cependant il y en a qui ont des parements des deux côtés. Le sieur Roubo traite séparément de toutes ces différentes especes de Croisées, faisant remarquer leurs avantages et leurs inconvénients, les lieux où chacune peut convenir ; et il termine ce sixieme Chapitre par les Portes vitrées, les doubles Croisées, et celles à jalousies d'assemblage, et les Persiennes.

Dans le septieme Chapitre, il s'agit des Volets ou Guichets : on sait que ce sont des Vantaux de Menuiserie qui recouvrent les Chassis à verre, rendent les appartements plus surs, et empêchent que le jour n'y pénétre lorsqu'on le juge à propos. Si les embrasures avoient assez de profondeur pour que l'on pût se dispenfer de briser les volets, cet article exigeroit peu de précaution, puisque ce ne seroit qu'un panneau de Menuiserie ; mais on est presque toujours dans la nécessité de les briser, et en ce cas les Menuisiers peu expérimentés font des difformités choquantes ; le sieur Roubo les en avertit, et leur fournit des moyens pour les éviter.

Le huitième Chapitre où il s'agit des petites Croisées, est en quelque forte une continuation du sixieme, au moins à l'égard des Croisées à deux battants ; mais après avoir indiqué quelques différences qui appartiennent à ces Croisées, l'Auteur traite des Croisées Mansardes et à coulisse. Ces Croisées qui n'exigent aucunes ferrures, étoient autrefois bien plus en usage qu'elles ne le sont présentement ; on les a beaucoup perfectionnées : car anciennement elles n'avoient point de dormants, les Vitriers étoient obligés de les emporter chez eux pour les nettoyer, et les joints étoient seulement fermés par du papier et de la colle de farine ; maintenant elles ont un dormant, et le Vitrier emporte seulement les chassis à verre, qu'il remet en place sans papier ni colle.

Les Menuisiers ont beaucoup varié la façon de travailler ces sortes de Croisées ; ils y ont quelquefois mis des volets : tous ces détails sont amplement exposés dans ce Chapitre, où l'Auteur a toujours l'attention de faire remarquer l'avantage et l'inconvénient des différentes pratiques.

Dans les trois derniers Chapitres qui termine la premiere Partie, dont j'ai à rendre compte à la Compagnie, il s'agit des Portes battantes. Le sieur Roubo en distingue de trois especes, à savoir ; les grandes, qui comprennent les Portes d'Eglises, les Portes cocheres des Hôtels, les Portes charretieres des Basses-cours et Fermes, et généralement toutes celles qui ont assez d'ouverture pour le passage des voitures. Les moyennes Portes comprennent les bâtardes qui servent d'entrées aux Maisons bourgeoises, celles des vestibules, et toutes les portes des grands appartements qui sont à deux vantaux. Les petites qui n'ont qu'un vantail. Elles sont très ordinaires dans les maisons communes, et l'on s'en sert dans les palais et dans les hôtels pour les garde-robes et les dégagements. A l'égard des grandes Portes, il y en a qui n'ont point d'impostes, et qui ouvrent dans le cintre ; d'autres avec impostes ou sans impostes, n'ouvrent point de toute la hauteur, et foumissent un entresol. Notre Auteur entre à ce sujet dans des détails fort intéressants sur les ornements qui conviennent à ces différentes parties ; il donne aussi l'échantillon de la force des bois qu'il faut employer pour les Portes cocheres suivant leurs grandeurs, les assemblages qui conviennent pour leur solidité. Les discussions de notre Auteur s'étendent sur les Guichets, tant à l'égard de leur solidité, que par rapport à leurs décorations ; mais plus toutes ces choses sont détaillées dans l'Ouvrage du sieur Roubo, moins il est possible d'en faire l'extrait. Il remarque fort a propos que quoique les Portes d'Eglises doivent l'emporter sur les autres pour la décoration, il faut éviter de les trop charger d'ornements. A l'égard des Portes de Basses-cours et de Fermes, il faut s'attacher presque uniquement à la solidité. Pour ce qui est des Portes bâtardes ou bourgeoises, comme elles n'ont qu'un vantail, elles doivent, à peu de chose près, être semblables aux guichets des grandes Portes cocheres.

Quoique les Portes que l'on nomme en Placards, qui servent pour l'entrée des appartements soient, à proprement parler des panneaux de Menuiserie, elles exigent des attentions particulières, eu égard aux Chambranles, aux Embrasements, aux Attiques, etc.

Le sieur Roubo donne différentes maniéres de déterminer la forme et la largeur des Chambranles, comment il faut revêtir les Embrasements : il parle ensuite des Placards à petits cadres, de ceux à grands cadres ; des Placards dont les traverses sont susceptibles de contours et d'ornements ; et, à cette occasion, des différentes maniéres de chantourner les traverses et de faire les coupes des traverses cintrées. Notre Auteur dit quelque chose des Portes dont les cintres et la décoration changent des deux côtés. Il donne ensuite plusieurs façons de couper les Portes dans les lambris, puis il parle des placards pleins et ravalés dans l'épaisseur des bois.

Cette premiere Partie qui fait au plus le tiers de cet Ouvrage, est terminée par les petites Portes, et elle a exigé cinquante Planches qui ont toutes été dessinées par le sieur Roubo. Je puis assurer qu'il regne beaucoup d'ordre et de clarté dans cet Ouvrage ; qu'il est écrit dans le style convenable à la chose ; et je suis persuadé que ceux qui liront cet Art, seront surpris de voir au Titre qu'il a été fait par un Compagnon Menuisier. Que l'Académie feroit satisfaite si dans tous les Arts il se trouvoit des Ouvriers capables de rendre aussi bien les connoissances qu'ils ont acquises par un long exercice ! Moins ce phénomène est commun, plus il fait d'honneur au sieur Roubo, et de plaisir à l'Académie, dont l'unique objet est le progrès des Arts et des Sciences. Ces considérations ont engagé les Libraires à ne rien épargner pour la perfection des Gravures.

Signé, Duhamel du Monceau

Je certifie l'Extrait ci-dessus conforme à son Original et au jugement de l'Académie. A Paris, le 10 Janvier 1769.

Grandjean de Fouchy
Secrétaire perpetuel de l'Académie Royale des Sciences

 

Extrait de Les Artistes décorateurs du bois, Tome II

Roubo (André-Jacob), menuisier-ébéniste. Paris, XVIIIe siècle.

Né à Paris, le 8 juillet 1739 ; mort dans la même ville, le 11 janvier 17911.
Fils d'un modeste ouvrier, il dut, dès l'âge de douze ans, se livrer pour vivre à un travail pénible. Il fut distingué par l'architecte Blondel et devint, sous sa direction, mathématicien, dessinateur et mécanicien. De bonne heure il eut la pensée de rassembler en un seul recueil les règles, méthodes et pratiques des métiers du bois ; aussi n'était-il encore que compagnon lorsqu'il publia, en 1769, le premier volume de son Art du menuisier, que, grâce à la protection du duc de Chaulnes, il présenta à l'Académie des Sciences. Le dernier des quatre volumes in-folio de cet ouvrage parut en 1775 ; c'est le travail le plus complet sur la matière, et l'on y trouve les renseignements les plus utiles sur les procédés de fabrication des divers meubles en usage au XVIIIe siècle. Roubo s'aida du reste, de collaborateurs habiles ; ainsi, le menuisier Dubois cadet participa à la composition du chapitre traitant de la carrosserie, l'ébéniste Jean-François Anselin lui donna l'idée d'une machine à canneler les bois de placage, etc. L'Académie des Sciences admit ce remarquable ouvrage dans sa Description des arts et métiers et demanda pour l'auteur la maîtrise avec exemption des droits d'usage : ce qui fut accordé par le Conseil d'Etat le 20 septembre 17742.

En 1777, Roubo publia un Traité de la construction des théâtres et des machines théâtrales, in folio, et l'année suivante donna le plan d'une salle de spectacle qu'on avait projeté de construire sur le terrain de l'hôtel de Condé3. En 1782, il fit paraître l'Art du layetier, in-folio, avec planches dessinées et gravées par lui comme celles de ses livres antérieurs. La-même année, les architectes Legrand et Molinos ayant été chargés de couvrir la cour circulaire de la Halle au Blé, à Paris, construite en 1762 par Le Camus de Mézières, résolurent d'employer pour cette opération les procédés dont on attribue l'invention à Philibert Delorme, et commandèrent à Roubo une vaste coupole en bois qui fut, certainement, l'oeuvre la plus considérable et la plus remarquable du célèbre menuisier4. En 1786, les mêmes architectes lui firent exécuter le berceau servant de couverture et de décoration intérieure à la Halle-aux-Draps, entre les rues de la Lingerie et de la Poterie. Ces deux ouvrages furent détruits par le feu, le premier en 1802 et le second en 1818. On cite encore de lui le grand escalier en bois d'acajou de l'hôtel de Marbeuf.

Dans l'acte de baptême d'un fils de Jacques Gras, coustelier, Roubo est qualifié de « maître menuisier associé aux travaux de l'Académie des Sciences ». Au début de la Révolution, il fut lieutenant de la Garde nationale et mourut dans sa maison de la rue Saint-Jacques, paroisse Saint-Jacques du Haut-Pas5. Un décret de la Convention du 4 septembre 1795 accorda à sa veuve un secours de 3.000 francs6. Il existe un portrait de Roubo7.

1. A. de la Seine, Tabl. de décès de l'Enregist., reg. 1893.

2. Tabl. Communauté. — Almanach des Bâtiments. — E. Molinier. Histoire des arts appliqués à l'industrie, t. III, p. 261).

3. Journal de Paris, 1778, p. 738 (Table par Tulou, B. A.).

4. Journal de Paris. 1779, p. 903 ; 1783, p. 133, 1267-70.

5. Journal de Paris, 1791, 27 janvier, supplément, p. 3. — A. de la Seine, GG., Menuisiers et ébénistes. — Anonyme. Le menuisier Roubo (Le Commerce et les Arts, journal de l'Office universel. Paris, février 1841, in-fol.). — J.-J. Weiss. Roubo (Biographie Michaud). — H. Havard. Dictionnaire de l'Ameublement. Paris, sans date, t. III. p. 730.

6. Biographie Didot, t. XLII, p. 707.

7. Musée contennal des classes 66, 69, 70, 71, 97 : Mobilier et Décoration à l'Exposition universelle internationale de 1900 à Paris. Rapport de la Commission d'installation. Paris, s. d., p. 21 et 78, n° 770.

Emile Bayard - Henry Havard